11 avril 2012

J'ai beaucoup aimé ce premier roman.



Sur les bords du Danube, dans un camp slovaque, le vieux Miklus raconte à un journaliste, venu à l'occasion des vingt ans de la chute du mur de Berlin, la communauté Rom, ce peuple de "crasseux Tsiganes, voleurs de poules et sans savates" sans patrie ni identité reconnues, rejeté de toutes parts, auquel il appartient. "Le Rom, il tient comme il peut, ballotté d'un courant d'air à un autre, le vent s'engouffre partout où il pointe son nez. Il n'est attendu nulle part, vous le savez bien, on le refile à son voisin ; à peine a-t-il posé sa famille qu'on le fait déguerpir, et on l'accuse de ne pas tenir en place."
Le vieil homme raconte la boue, la poussière, le vent, la saleté, la misère, l'école où il fallait "déposer le romani à la grille, pas moins que ça, c'était le prix à payer pour franchir le seuil de la skola en question", la dispersion de la communauté dans des immeubles bon marché où "les portes étaient des intruses, (...) du silence et de la solitude qui nous empêchaient de respirer, et c'est justement de ça dont nous ne savions pas nous passer, la respiration de l'autre à proximité." Le camp, outre la tradition, c'est aussi la fraternité, les soirées de fête et la musique.
Une fois le décor dressé Milkus recrée par ses mots ceux qui hantent sa mémoire. 
Le petit Dilino pathologiquement accroché à son violon, cet enfant muet et demeuré, risée et victime des bousculades des autres enfants. Le Tzigane se trouve l'unique dépositaire de l'obscur secret qui entoure la naissance de ce souffre-douleur mais, devant l'horreur des révélations à faire, il a toujours reculé l'échéance et tu obstinément ce qu'il savait. 
A travers ce roman c'est l'histoire des Roms et du XXe siècle qui est abordée. 
Mais le narrateur, homme issu d'un peuple fier et fataliste, malgré le dossier "égaré" donc non traité à Nuremberg, malgré la permanence de la discrimination dont ils sont encore l'objet de façon plus ou moins sournoise, ne cantonne pas les Roms dans un rôle de victimes. Si à travers ces destins tragiques il crie le malheur et la désolation, il rend aussi un hommage vibrant à sa communauté, à sa force de vie, à son sens de la solidarité et de la liberté. Ce récit n'est ni une plainte ni un plaidoyer. Il éclaire avec sensibilité la vie, les malheurs et les joies des siens, tente de balayer les clichés qui encombrent et salissent sa culture inconnue ou incomprise, appelle au respect de la différence et à la tolérance.
Un premier roman passionnant et envoûtant dont la mélodie reste longtemps en mémoire.
Dominique Baillon-Lalande  Encres Vagabondes
(26/09/11)  

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